mardi 2 octobre 2012

Professeur émérite : pour quels mérites ?

Il a été annoncé avec fracas dans quelques journaux au début de cette semaine qu'une promotion de 105 professeurs de l’université algérienne va accéder au titre de professeur émérite.

Par Mohammed Beghdad
*********************************************************************************

Tant pis pour nous, diront certains.Tant mieux diront d’autres mais à condition que l’université algérienne dispose des bagages scientifiques et pédagogiques nécessaires pour l’accès à ce titre prestigieux qui doit couronner toute une belle carrière. Pour postuler au passage au grade supérieur de professeur, un maître de
conférences de classe A doit fournir un dossier académique et scientifique à la Commission universitaire
nationale (CUN) au sein de laquelle siègent par disciplines des enseignants tous de grade Professeur pour
examiner sur tous les plans les dossiers des candidats et en décidant enfin de l’octroi ou non de ce grade.
Mais pour passer au titre de Professeur émérite, les premiers fortunés n’ont pas besoin de passer par
une Commission du même type qui devrait porter normalement le nom de Commission nationale d’éméritat
(CNE). Cette histoire nous rappelle une autre qui a déjà eu lieu par le passé et dont de nombreux universitaires s’en rappellent amèrement aujourd’hui. On ne décrète pas l’octroi d’un titre ou un diplôme par la pondaison d’un texte, il doit se mériter selon les normes internationales et rien d’autres sinon on lui changerait de noms. En agissant de cette manière, on est en train de couler l’université algérienne et le pays
avec, qui n’a pas besoin d’un nouveau scandale qui s’ajouterait aux autres dont on patauge encore dans
leurs séquelles. Dans sa disposition transitoire du statut de l’enseignant-chercheur[2],
l’article 57 énonce que : sont nommés au titre de professeur émérite les professeurs justifiant, de vingt années d’exercice effectif en cette qualité ainsi que de productions scientifiques et pédagogiques depuis l’accès au grade de professeur et c’est tout, après avis du Conseil d’éthique et de déontologie de la profession
universitaire (CEDPU) dont la création date du mois de juin 2004 [3]. Et c’est là la faille. Pour contourner cet obstacle, les textes du statut de l’enseignant-chercheur font appel, comme on le distingue
habilement, au fameux CEDPU qui est composé lui-même de 19 professeurs nommés par arrêté ministériel
[4] voilà déjà plus de sept années, selon leur compétence et leur moralité, disons les sages de ce corps, pour émettre son avis quant à l’accès à ce premier titre suprême des professeurs impétrants pour la
première fois dans les annales de l’université algérienne. La composante du CEDPU n’a pas changé à moins
qu’elle ait été une fois renouvelée d’un autre mandat de quatre ans. Donc, comme on le constate fort
prudemment, des professeurs risquent de donner un avis sur la délivrance de ces titres à leurs propres
personnes ! Et même si un professeur membre ne déposerait pas son dossier, il se retrouverait donc contraint à livrer un avis pour la promotion d’un de ses collègues à un grade plus supérieur que le
sien. C’est complètement le monde à l’envers ! On va donc ainsi se retrouver devant un dilemme, exactement dans la même posture qu’un parlement qui discute de l’augmentation des salaires
de ses membres que sont les députés et les sénateurs. Ou bien dans une commission d’attribution de logements où ses membres sont demandeurs.
De point de vue éthique et déontologie, ce conseil (CEDPU) aurait donc joué toute sa crédibilité et sa probité comme son nom ne le présage point. Pourtant ce même conseil composé d’éminents
professeurs n’a émis aucun avis sur cette question qui sent plus le piège plutôt que l’honneur et ce
depuis la sortie des textes voilà déjà plus de quatre années. La logique scientifique aurait été de créer d’abord une Commission provisoire d’éméritat qui serait constituée de professeurs émérites étrangers,
ou ayant l’équivalent de ce titre, de différents pays scientifiques confirmés selon les normes internationales académiques qui étudierait alors les dossiers des premiers postulats. Ce n’est pas une ingérence
politique mais plutôt scientifique comme ces dizaines d’instances internationales, à l’instar de l’UNESCO
dont on fait appel pour toutes études pour lesquelles nous ne possédons pas les compétences requises
identiquement comme l’évaluation de nos athlètes sportifs lors des jeux olympiques. Notre pays
connait la valeur de la distinction d’une médaille d’or olympique. L’Algérie ne serait que fier de ses
professeurs émérites valorisés qui seraient élevés au titre de l’éméritat en suivant les règles universelles et
ne traîneraient nullement un complexe d’infériorité une fois qu’ils côtoieraient leurs collègues outre méditerranée ou outre atlantique. L’Algérie dispose de nombreux scientifiques de hauts rangs qui ont fait leurs preuves sous d’autres cieux et qui n’ont pas besoin de ce coup de pouce gracieux qui va les poursuivre comme leur ombre durant toute leur présence au sein de l’université algérienne et jusqu’à leur départ à la retraite. Cela va souiller énormément leur réputation. Ils auraient sans aucun doute préféré
passer par une autre voie plus académique pour parvenir à ce titre. Nous nous posons la question si ce
n’est, pour certains, l’indemnité d’éméritat qui les intéresse plus au détriment de la qualité des travaux. Il faut noter que la future Commission nationale d’éméritat (CNE) qui sera chargée d’étudier les prochains dossiers des candidats à ce nouveau titre serait issue fatalement de cette première fournée de professeurs
émérites, mais les règles vont changer. La CNE va en effet établir les nouveaux critères d’évaluation ainsi
que la grille de notation y afférente. On observe bien que d’autres critères seront exigés à la vague suivante
comme on le remarque dans son article 55 [2] qui précise que 
:- Sont nommés au titre de professeur émérite, après avis de la commission nationale de l’éméritat, les professeurs remplissant les conditions suivantes :
-quinze années d’exercice effectif en qualité de professeur,
-avoir encadré jusqu’à leur soutenance
des doctorats et/ou des magisters en qualité de directeur de thèse, depuis sa nomination dans le grade de professeur,
-avoir publié des articles dans des revues scientifiques de renommée établie depuis sa nomination dans le grade de professeur,
-avoir publié des ouvrages à caractère scientifique, des manuels et/ou polycopiés, depuis sa nomination
dans le grade de professeur.
Le tir va être rectifié par la suite mais la question qui subsisterait inévitablement : va-t-on faire confiance à
une commission dont certains de ses membres se sont autoproclamés professeurs
émérites ? Une question qui va longtemps hanter les esprits des postulants à ce titre dont les premiers
pas sont plus que jamais compromis. C’est aussi l’une des raisons de notre échec. Que nos diplômes ne
valent pas ceux des pays développés. Qu’un médecin sorti de nos facultés, se retrouve en train d’exercer
le métier d’infirmier s’il est chanceux au Canada non sans néanmoins avoir refait toute une formation ou une
mise-à-niveau dans les pays européens. Qu’un docteur universitaire soit recalé sous d’autres cieux à un
niveau plus inférieur, etc. donc, si dévaluation il y a, ce sont ces imbroglios scientifiques de ce genre qui en
sont la cause de ces catastrophes. Il faut tout une autre contribution pour faire l’état des lieux sur ce désastre
et s’interroger sur la valeur réelle des diplômes délivrés. Je porte à la connaissance connaissance
des lecteurs que ce Conseil (CEDPU) avait toute la latitude de se réunir librement en session ordinaire au moins deux fois par an sur une convocation simple de son président afin de se débarrasser de ce cadeau empoisonné. S’il s’est réuni au moins 9 fois comme le stipule les textes depuis sa promulgation, il aurait donc passé sous silence une situation qui le concerne tant éthiquement que déontologiquement au
plus haut degré. Autre supplice, il existe dans ce conseil (CEDPU) des enseignants qui ne sont pas spécialistes des disciplines pour lesquels certains candidats auraient sans doute postulé pour le titre émérite. Il n’y a que douze grands domaines de spécialités composant ce conseil tandis qu’il existe environ 3000 spécialités de licence dispensées dans les établissements universitaires du pays. On peut bien échoir sur le cas de figure d’un professeur en informatique dont le dossier serait examiné tout bonnement par son collègue
en histoire et voir un professeur en ophtalmologie juger le travail scientifique d’un spécialiste en philosophie
et vice-versa. On ne peut que rester bouche-bée devant cette burlesque situation. Doit-on fermer
les yeux et passer en faisant semblant de jouer une parodie tragi-scientifique ? Ou s’arrêter un moment et se poser la question : dans quel cul-de-sac académique s’est-on fourré les mains et les pieds ligotés ? Un vrai cas de conscience professionnelle.
De plus, si on lit les textes du Conseil (CEDPU), ses prérogatives ne lui permettent absolument de discuter
des dossiers purement scientifiques. Le décret exécutif fixant les attributions, la composition et le fonctionnement du CEDPU [3] et dans son article 2 montre bien que le conseil propose au ministre chargé de l’enseignement supérieur toute mesure relative aux règles d’éthique et de déontologie universitaires ainsi qu’à leur respect. A ce titre, il est notamment chargé de proposer :
- les principes, règles et usages devant guider l’exercice de la profession d’enseignant de l’enseignement
et de la formation supérieurs;
- les principes et règles devant régir les relations entre les enseignants et les autres composantes de la communauté universitaire ;
- les mesures applicables en cas de non-respect caractérisé de l’éthique et de la déontologie universitaires;
- l’ensemble des mesures à même de garantir les libertés des enseignants dans le cadre de la franchise universitaire;
- les formes d’actions par lesquelles l’enseignement et la formation supérieurs contribuent à la promotion
scientifique et culturelle du citoyen. Comme on le remarque fort logiquement, il n’est nullement question ici
de l’attribution d’un titre supérieur sauf s’il fallait lire entre les lignes en interprétant cet article à la convenance
de la situation. En attendant, pleurons encore sur les quelques jours qui restent à vivre à notre université. Le salut ne peut venir que par une prise de conscience collective et une mobilisation générale de ces nombreux réels universitaires qui sont devenus très minoritaires par ces temps-ci et où la médiocrité règne en maîtresse absolue. Il ne s’agit pas là de redresser la situation chaotique mais uniquement pour sauver les meubles qui tiennent encore quelque peu debout.
Références :
[1] http://www.lexpressiondz.com/
actualite/160501-105-enseignants-elevesau-
grade-de-professeurs-emerites.html
[2] http://www.joradp.dz/FTP/jo-francais/
2008/F2008023.pdf (pages 16 à 25)
[3] http://www.joradp.dz/FTP/jo-francais/
2004/F2004041.pdf (pages 20 et 21)
[4] http://www.mesrs.dz/document_pub/
deja/bulletinoffmesrs2005-2.pdf
(page 151)

lundi 28 mai 2012

Sincères Condoléances

Sincères Condoléances aux Familles des victimes de la cité universitaire A. Bekhti et a toute la communauté Universitaire.

jeudi 5 avril 2012

Les mathématiques en Algérie: une science exacte en voie d’extinction.

Par Ali DERBALA, Quotidien d'Oran le 05 avril 2012.

Elle exclut toute incertitude, toute inexactitude. L’enseignement des mathématiques a périclité, lui qui était il y a une trentaine d’années, l’un des meilleurs dans le bassin méditerranéen. Un bac mathématique Algérien ouvrait déjà les portes des Universités françaises, anglaises, américaines,
soviétiques etc. Au cycle secondaire de l’éducation, la pénurie de professeurs agrégés de qualité
est dramatique et a atteint des proportions catastrophiques. Un ancien responsable du MEN, Ministère de l’Education Nationale, a reconnu que : « Dans les dernières années on a commis dans     notre pays de graves erreurs en négligeant ces derniers paliers ou en faisant de mauvais bchoix stratégiques de l’éducation (2) ». Selon le directeur d’un laboratoire de mathématiques d’une école de formation d’enseignants, le MEN veut lancer l’agrégation et a tenu tout récemment avec les ENS, écoles normales supérieures, des réunions autour de ce sujet. Le problème est que cette agrégation n’a rien à voir avec l’agrégation française; en Algérie elle est conçue comme un moyen de promotion d’une certaine catégorie d’enseignants du lycée sans se référer au «niveau » scientifique. Une seconde fois, en France, pays natal de Pascal, Descartes, d’Alembert, Cauchy etc., et en mathématiques, pour devenir «professeur agrégé», il est indispensable de connaître « par coeur » le cursus de la graduation, énoncés d’axiomes, de définitions, de théorèmes, de propositions etc., et leurs démonstrations. Ce genre de professeurs est très pédagogue. Il donne des cours très agréables. Leur pédagogie est révélatrice de la « transmission du savoir ». De nos jours, on peut même ne trouver qu’une seule classe de mathématiques dans toute une Wilaya. laton (3) ne voulait pas qu’on apprit la géométrie jusqu’aux figures difficiles, il n’en voyait pas l’utilité. Elles suffiraient à occuper toute la vie d’un homme et le détourneraient de beaucoup d’autres sciences utiles. Les notions géométriques sont, en effet, immuables et éternelles, et de plus, elles nous introduisent à la connaissance des lois de l’univers (...).

(...) Il est à rappeler que l’univers, l’astronomie sont régis par des lois immuables, mathématiques, accessibles à l’esprit humain. Les étudiants ne sont pas égaux devant la mathématique : certains refusent la vérité, d’autres refusent la difficulté, d’autres encore refusent l’étude. Nos maîtres nous ont appris la rigueur. Ne jamais se contenter de comprendre à moitié. Y passer le temps qu’il faut mais comprendre, assimiler. Il faut avoir, par ailleurs une mémoire sans défaut. Ce qu’on apprenait, on ne l’oubliait plus. Il audrait élaborer l’histoire des mathématiques et de faire une analyse spécialisée des tendances nouvelles de la mathématique. En science, il n’est pas question de procéder
par décrets.

« C’est sur les chaises que la noblesse s’acquiert ».  Montesquieu

mercredi 4 avril 2012

Le mobile pour sauver l’Internet de la régression en Algérie

PAR FARID FARAH (Quotidien d'Oran) 04 avril 2112

Le passage de l’informatique vers le 21ème siècle a été suivi par les décideurs algériens avec une grande attention et surtout un soupir de soulagement: les ordinateurs de l’administration ont effet accepté l’existence des années 2000 et le fameux bug de l’an 2000 ne s’est jamais matérialisé. Dans le premier dixième de ce siècle, la face de la société algérienne a été métamorphosée par une multitude de nouvelles avancées technologiques. Il y a douze ans, personne n’envoyait de SMS pour souhaiter les voeux de l’Aïd. On faisait beaucoup d’effort budgétaire pour récolter les photos de mariage, on ne regardait pas nos dvds sur l’écran «plasma» ou «LCD». «Youtube» et «Facebook» n’existaient pas, et, faute de «Google Earth», on dépliait une carte pour connaître la route de la Tunisie. Aujourd’hui, la photographie numérique a tué la pellicule et les millions de pixels sont abordables pour tout le monde. Plus besoin de se téléphoner, un SMS fera l’affaire, chacun parmi nous peut partager ses vidéos sur Youtube. Qui se souvient de l’époque des billets d’avion en papier et des craintes devant l’idée de se faire identifier en ligne? De la peur entourant les consultations de son compte CCP sur Internet? Les craintes sur la fraude n’ont pas disparu, mais Internet a modifié notre quotidien. En effet, entre 2000 et 2010, le gouvernement a pris connaissance de l’importance de la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies dans la gestion du pays. Cependant, cette généralisation se heurte à l’absence prolongée du haut débit mobile. En 2000, la plupart des internautes utilisaient leur ligne téléphonique fixe pour accéder à Internet, une expérience qui exigeait une certaine patience. Cette époque est malheureusement toujours d’actualité, le renvoi de l’attribution des licences 3G aux calendes grecques ne fera que consolider la régression de l’Internet en Algérie. Nos internautes ne pourront plus supporter les heures qu’ils mettent pour regarder ou télécharger des fichiers vidéo. Ailleurs, télécharger une grosse pièce ne prend que quelques secondes. Dopé par le succès grandissant des smartphones, l’Internet mobile ultra-rapide devrait supplanter l’ADSL d’ici quelques années, selon un rapport de plus de 400 pages publié par l’analyste américaine de Morgan Stanley, Mary Meeker. Cette dernière indique qu’aujourd’hui, 6 milliards de personnes utilisent un mobile, contre 2 milliards d’utilisateurs de PC. La croissance du trafic de l’Internet mobile serait selon elle bien plus rapide que la croissance de l’Internet fixe à ses débuts. L’Algérie ne peut plus se permettre la «pénurie» de réseaux mobiles 3G ou 4G capables de délivrer une bonne bande passante et de dynamiser le marché des téléphones intelligents. Contrairement aux lignes téléphoniques fixes, la téléphonie mobile ne fera qu’individualiser les internautes via leurs cartes SIM. Ce qui la placera en meilleure position que la téléphonie fixe en matière de sécurité. Le mobile pour sauver l’Internet de la régression en Algérie