mardi 15 septembre 2015

Changement à la tête du DRS : Des interrogations en attendant les effets collatéraux

Changement à la tête du DRS : Des interrogations en attendant les effets collatéraux
par Ghania Oukazi
Une fois l'annonce de la mise de fin de fonctions du DRS consommée, les observateurs s'interrogent sur « les termes » du deal conclu entre Bouteflika et Toufik pour que «les choses se passent ainsi et maintenant».

L'homme était tellement craint et sa poigne tellement lourde pendant vingt-cinq années de services à la tête de la plus importante institution du pays, que son départ est sujet à toutes sortes de supputations, parfois même les plus farfelues. L'on s'interroge dans les milieux politiques sur la nature du deal qui aurait été conclu entre le président de la République et le chef du DRS pour que cette «mise à la retraite» se fasse sans bruit. L'on estime que « l'homme était trop important pour qu'il parte sur la pointe des pieds et sans rien exiger». Ce qui est sûr, c'est que pour l'heure, il est difficile de deviner les termes de ce deal dont parlent des analystes, ceci, si deal il y a eu. « Parce qu'avec Bouteflika, tous les responsables savent dès leur nomination que leurs jours en tant que tels sont comptés, les anciens avaient toutes les raisons de le penser et d'attendre leur tour quand bien même si c'est Toufik et ses 25 ans de pouvoir, la preuve, son départ est aujourd'hui réel et effectif», soulignent d'anciens responsables à la présidence de la République.

Il était donc admis depuis longtemps que le départ du DRS devait avoir lieu un jour ou l'autre notamment depuis que sa personne a été démystifiée par les soins de l'actuel SG du FLN et l'effeuillage de ses services de ses collaborateurs, missions et prérogatives, a été entamé. Avec un peu de recul, il n'est même pas question de parler de choses précipitées. «Quand je partirais, tout le monde partira», disait Bouteflika dès son arrivée aux commandes du pays. « Le général Toufik a été « admis » à la retraite après que le clan Bouteflika se soit assuré d'avoir démultiplié les entrées des centres informationnels des services, il s'est arrangé pour que les services de collecte du renseignement aient chacun sa tutelle et travaillent indépendamment l'un de l'autre, ce qui leur permet d'activer d'une manière autonome, plusieurs personnes détiennent donc l'information et établissent leurs rapports, chacune à part pour la remettre à la présidence de la République, Toufik n'était depuis longtemps plus le seul à la détenir et à établir les vérités qu'il veut », nous expliquent des responsables militaires. «C'est bien diviser pour régner», concluent-ils.

Si les termes d'un éventuel deal entre Bouteflika et le général de corps d'armée chef du DRS, Toufik, ne peuvent être dévoilés, son départ doit, selon des responsables dans de hautes institutions, être inévitablement suivi ou « accompagné » d'autres changements peut-être moins importants mais qui sont qualifiés d'ores et déjà d'effets collatéraux de la fin d'un règne.

Il est déjà avancé qu'il y a une dizaine de jours, le juge d'instruction au tribunal d'Alger (doyen des juges), qui a eu entre les mains le dossier de Sonatrach 1 et a instruit et mis il y a quelques mois en délibéré Sonatrach 2, a été nommé Procureur général adjoint (PGA) au tribunal de Blida. « Il est actuellement en congé, il reprendra ces jours-ci, mais à Blida où il occupera un poste moins important que celui qu'il occupait à Alger », affirment certains de ses collègues.

L'EFFET DRS

Amar Saïdani est aussi évoqué dans le sillage de telles évolutions puisqu'il a été « celui qui a fait les sales besognes pour amoindrir l'effet DRS ». Des responsables nous confirment l'audition, jeudi dernier, « et pendant quatre heures » de l'actuel SG du FLN par un juge du parquet de Paris. Saïdani avait déposé plainte contre le journal français qui avait publié ses biens en France. «Mais la plainte s'est retournée contre lui parce que les motifs de son dépôt ne concordaient pas avec la période de l'acquisition des biens répertoriés», nous disent de sources proches du FLN. « Saïdani a été quelque peu malmené par le juge, ce qui a poussé le président de la République à envoyer un émissaire auprès des autorités françaises pour demander de ne pas le laisser se faire bousculer », ajoutent nos sources. L'on dit que c'est Ahmed Ouyahia qui s'est déplacé à Paris pour accomplir une telle mission. Vrai ou faux, peu importe parce qu'on ne saura pas non plus si c'est bien ce directeur de cabinet de la présidence de la République qui avait remis dimanche dernier la lettre de mise de fin de fonctions au général Toufik comme c'est soutenu par des responsables de la même institution.

Les déboires que risquent d'avoir Saïdani pourraient le pousser à la porte de sortie du FLN plus vite que prévu. D'autant qu'on affirme que Abdelaziz Belkhadem a été reçu par le président Bouteflika « il y a trois semaines de cela ». Le fait peut ne pas intriguer parce que Belkhadem fait partie « d'un personnel » que le président appelle, renvoie et rappelle selon l'intérêt des conjonctures. Des observateurs relient d'autres faits à la situation que vit Saïdani. «Ce n'est pas un hasard que le SG de l'UNPA, Abdelkader Allioui, ait été reçu dimanche par le 1er ministre (seul avant pour qu'après, les discussions soient élargies à ses collaborateurs) », nous indiquent nos sources. L'on rappelle que le nom de ce responsable a été cité dans l'affaire des concessions agricoles aux côtés de celui de Saïdani et de Barkat.

ESQUISSES D'UNE SUCCESSION «ANNONCEE»

Des changements pourraient aussi être liés à la situation politico-économique que vit le pays. La chute du prix du baril de pétrole a entraîné avec elle un rétrécissement important des rentrées financières des ventes du gaz. «Le prix du second produit étant indexé à celui du premier, il est évident que les incidences de l'un pèsent sur les incidences de l'autre, sans compter que les Occidentaux ne veulent plus depuis longtemps de contrats gaziers à long terme et beaucoup de pays opèrent des ventes spot de leur production, donc rien ne plaide en faveur d'une bonne santé financière des hydrocarbures », indiquent des spécialistes du secteur. Nos sources reviennent à la sortie médiatique samedi dernier du SG par intérim du RND. «Rappelez-vous qu'Ouyahia a déclaré qu'il est d'accord à 90% avec le gouvernement, les 10% qui manquent concernent alors quel secteur ? », interrogent des responsables. « Ouyahia n'est pas d'accord avec ce qui se fait dans le secteur de l'industrie », soutiennent-ils convaincus.

Le ministre du secteur, faut-il le rappeler, a tenu pendant de longues années le cabinet de Ouyahia alors SG du RND. L'on ne peut croire que ce dernier portait Bouchouareb dans son cœur même si le jour de la conférence de presse, il le désignait comme étant son ami. La sortie de Ouyahia, la veille du limogeage de celui qui l'a fait, selon des milieux importants, porte en elle plusieurs énigmes. D'ailleurs, l'on s'interroge inévitablement sur le sort des responsables -et ils sont nombreux- qui ont toujours émargé auprès des services de Toufik. « C'est d'ailleurs pour cela que les effets collatéraux de son départ sont attendus, il se pourrait que le gouvernement change, des responsables d'institutions et autres cadres aussi », soutiennent nos interlocuteurs. « Maintenant que le système a perdu ses hommes, bien qu'il reste entier dans ses pratiques, l'on s'attend à ce que les choses s'accélèrent davantage pour tracer les premières esquisses d'une succession inévitable même si le mandat présidentiel se termine dans 3 ans et demi », pensent nos sources. Départ « préparé » du président ? Election présidentielle anticipée ? « Tout se joue sur l'identité du successeur, qu'il soit son frère qui pense que la chose est acquise parce qu'il connaît aujourd'hui les arcanes les plus exclusifs du système et de tous les pouvoirs, ou alors un autre mais Saïd ne sera jamais rassuré de sa fidélité notamment si le président rentre chez lui », disent de hauts responsables. 

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