mercredi 16 septembre 2015

Election présidentielle : Un départ et des scénarios

Election présidentielle : Un départ et des scénarios
par Ghania Oukazi
Le départ du chef du DRS libère le sérail en lui permettant de planter le décor d'une reconstitution du pouvoir autour, dit-on, «d'une stratégie mûrement réfléchie» entre Bouteflika et son entourage.

« Le changement dans la sérénité» ne semble plus être un simple slogan populiste ou une vue de l'esprit mais prend des contours évidents avec le départ «sans bruit» du général de corps d'armée, le général Toufik, chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le dimanche dernier. Le soir même, des habitants sur les hauteurs du quartier huppé de Hydra, affirment avoir entendu des coups de feu provenant, pensent-ils de la fameuse caserne ‘Antar', surplombant la forêt de Ben Aknoun. De grosses inquiétudes ont secoué les esprits «mais on a été rassuré par le calme qui a suivi depuis,» nous disait, hier, un ancien militaire. C'est donc comme l'a voulu Bouteflika, le changement des hommes se fait, sans difficulté et sans secousses. Le départ de Toufik, dans l'air depuis plusieurs mois, semble avoir libéré le clan Bouteflika des contraintes qu'il a dû appréhender en «calculant» le départ d'un responsable d'une institution aussi névralgique pour le pays. Dans tous les pays du monde, «les services sont un Etat dans un Etat, contrôlent tout, épient le moindre indice de changement, veillent à la préservation d'intérêts occultes et légaux, préviennent les mouvements de masse et autres, ils sont le pouls du fonctionnement d'un Etat,» nous expliquent un haut responsable. En Algérie, ils ont marqué tous les processus, du choix des hommes, d'élections, d'intronisation, de la mise à l'écart, d'ascension, de descente aux enfers…

LE SMIG DE LA SUCCESSION

C'est pour la première fois dans l'histoire nationale que leurs plus hauts responsables ont été écartés sans faire de vague. L'on peut penser que tous les hauts responsables qui ont été admis à la retraite, permutés ou limogés, avec fracas, ont accepté que Bouteflika décide seul de leur sort même si l'on insiste pour dire qu'un homme comme Toufik a dû poser ses conditions avant de partir. Il est difficile de le croire, tant un responsable à la retraite n'a en principe plus «le droit à la parole.» Il est vrai que certains «puissants» du monde politique sont moins dangereux quand ils sont en poste que lorsqu'ils rentrent chez eux. C'est ce qui se disait de Larbi Belkheir lorsqu'il était faiseur de président. L'on se rappelle que lorsque nous avions donné l'information de son départ, dans ces mêmes colonnes, il nous avait dit qu'il était gêné de la savoir publique parce qu'il ne voulait pas en parler. A la question accepteriez-vous d'aller comme ambassadeur à Rabat comme on l'entend dire ? Il nous avait répondu «je préfère aller arroser les plantes chez moi.» Mais quelques jours après, il est nommé ambassadeur au Maroc. C'est dire que Bouteflika avait préféré l'éloigner de chez lui parce qu'il savait que s'il était rentré chez lui, il aurait généré un va et vient incessant de «protagonistes» de tous les milieux. «Le cardinal de Frenda» était aussi connu pour faire et défaire les rouages de l'Etat et de la haute administration.

Aujourd'hui, il est dit ici et la que Bouteflika et Toufik n'ont pas dû se quitter sans avoir trouvé un SMIG d'entente sur la suite à donner aux évènements. La succession est, en évidence, la plus grosse question sur laquelle les esprits sont braqués. Même les Bouteflika ne doivent pas être rassurés de son bon déroulement, du choix de ceux qui la mènent à bon escient et surtout du moment où elle doit être enclenchée.

SELLAL OU LE PLAN B

Des scénarii sont avancés par des milieux à l'écoute de ce qui pourrait se faire en prévision de cette échéance. «Il est clair que la révision de la Constitution doit être effective, rien ne peut se faire sans que la loi suprême du pays ne soit mise au point, le président l'a promis, il va tenir à sa promesse,» nous dit un Constitutionnaliste. Le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia a déclaré, samedi dernier, qu'«il est fort possible qu'elle sera révisée avant la fin de l'année en cours.»

L'année 2016 sera, donc, des plus décisives pour la restructuration des pouvoirs, celui présidentiel en premier. On a, souvent, entendu dire et comme déjà écrit dans ces colonnes, que Bouteflika souhaiterait inaugurer la grande mosquée d'Alger et quitter la présidence. Les nombreuses visites de travail effectuées par le ministre de l'Habitat et celui des Affaires religieuses à ce gigantesque chantier, à Hussein Dey, laissent croire qu'elles pourraient répondre à des urgences «politiques». Abdelmadjid Tebboune tient à ce que les travaux s'accélèrent, le plus possible, pour finir au moins la mosquée par rapport à tout le complexe prévu.

Des responsables politiques nous disaient, hier qu'«il est très possible qu'une période de transition soit enclenchée, dès la révision de la Constitution, révision qui permettra d'ouvrir des brèches constitutionnelles pour, justement, permettre son institution.» Pendant cette période de transition dont la durée serait fixée par des textes réglementaires, Bouteflika désignera quelqu'un pour assurer ses fonctions. L'on avance aisément, -encore une fois- le nom du diplomate international Lakhdhar Brahimi, pour assurer la transition jusqu'à la tenue d'élection présidentielle anticipée. Brahimi est la seule personnalité algérienne vivant à l'étranger qui, faut-il le préciser, rend visite à Bouteflika sans qu'il y ait d'événement précis. Ce qui mérite attention et même interrogation. Le nom de Abdelmalek Sellal semble, lui aussi, figurer en tête de liste de ceux qui pourraient, éventuellement, être retenus pour succéder au Président Bouteflika. Sellal est, nous dit-on « l'un des rares politiques sinon le seul à incarner deux pouvoirs, civil et militaire.» L'on dit du Premier ministre qu'il émarge auprès des services comme ce qui a de tout temps était dit d'Ouyahia et de biens d'autres responsables ministres en premier, mais à la différence que «Sellal a une bonne audience auprès des responsables des Tagarins.» L'on parle aussi d'une alternative «au cas où ce scénario ne marche pas ou bloque quelque part.» Ce plan B prendrait sa source à partir de l'octroi, par le ministère de l'Intérieur, de l'agrément au parti de Ali Benflis. Agrément qui vient d'être délivré à l'ancien chef du gouvernement pendant cette période nerveuse de grands changements.

Ceci reste un scénario parmi tant d'autres. D'ici à 2016, bien d'autres auront été construits. 

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